Je crois qu'une petit discussion s'impose [P.V : Rêve de Lait]

Je crois qu'une petite discussion s'impose

Dans la chaleur de la pouponnière je feint de dormir, tentant de laisser le calme de la respiration endormie des enfants me reposer.Les yeux entrouverts je vois le soleil se lever sur le camp, les chats quittent Morphée pour chasser, pour s'entraîner, pour vivre simplement.

Et pourtant ce paysage si tranquille qui devrait apaiser mon cœur ne me retire pas la honte de ne pouvoir offrir un père à ma fille, ce père qui, derrière sa frontière, élève notre fils, celui dont je rêve mais ne peut que voir, quand pourrais-je sentir son odeur et caressé sa fourrure grisâtre, Ô ce fils qui a hérité de mes yeux, va-t-il bien seulement ?

Interrompant mes pensées, une silhouette familière se profile jusqu'à moi, la fourrure grise comme la suie fouettée par le vent familier au camp, ses yeux étincelants se posent sur moi et elle dit:

- Rêve de Lait, je m'en vais en patrouille de chasse, et tu viens avec moi. C'est un ordre, j'aimerais qu'on parle toi et moi.

Je retiens un soupir, voilà le moment que je redoutais tant, qu'espérais-je ? Que Petite Lumière n'éveille la curiosité de personne ? Faire comme si elle avait toujours était là ? Et pourtant, mon âme est tellement lourde, mon corps est si douloureux, toutes les batailles ne valent rien face à la fatigue pour élever un chaton, ces petits boules de poils où une tornade doit se loger pour que leur endurance soit si grande.

Rapidement je me lève, plus par habitude que par réelle nécessité je passe quelques coups de langues dans ma fourrure de neige, celui, qui à mes yeux, et le plus important, et loin de ce camp.

D'un pas rapide je me dirige vers ma chef, toutes deux nous nous dirigeons vers la forêt à l'épais feuillage, là nous sommes accueillies par le chant de la brise et la douceur de la mousse, et pourtant les questions planent déjà dans l'air, j’attends de pouvoir m'expliquer, le pourrais-je au moins ?

Je crois qu'une petite discussion s'impose

Nous marchons toutes deux, côte à côte, regardant l'astre du jour se lever peu à peu et éclairer de ses rayons nos Terres. La nature vient à peine de revêtir son plus beau manteau, les plantes bourgeonnent et s’épanouissent, arborant leurs pétales colorées à tous les habitants des bois.

La féline au pelage grisâtre se couche sur un rocher qui semble avoir toujours été là, et, troublant le silence où seules nos respirations et le zéphyr perçaient jusqu'alors, parle:

- Je n'irais pas par quatre chemins. Tout ce que j'attends, c'est que tu me dise qui est le père de Petite Lumière.

Je plonge mon regard bicolore dans le sien, je n'ose lui réponde et pourtant je le dois. Je ne peux lui mentir éternellement, la vie de Petite Lumière ne sera pas éphémère, vivra-t-elle ainsi à jamais ? Quelle piètre vie je lui offre alors, quelle mauvaise mère je suis. Je détourne le regard un instant pour regarder le pissenlit s'envoler, se laissant porter par les vents vers une destination inconnue et pourtant si confiant.

-Son père est Étoile d'Automne. J'ai aussi un jeune fils, Petit Flocon.

Comme essoufflée par la triste vérité je respire longuement, l'air semble incendié de ses flammes dévastatrices mes poumons, et pourtant il n'en est rien, ce sentiment, c'est seulement le doute, qui telle la maladie s'étendant sur des chats innocents prend par de mon cœur.

J'attends sa réaction, l'appréhendant avec impatience, le bois, pourtant si vivant une poignée de secondes plus tôt, semble s'être figé pour laisser place à la voix d’Étoile de Plume.

Je crois qu'une petite discussion s'impose

Sous mes yeux impuissants, je vois mon amie se figer, ses muscles se tendent, et sa respiration,, maintenant vive, dénote avec le doux zéphyr d'été.

Quelques mots, un souffle, un instant, et tout avait changé à jamais, la féline à la robe grisâtre semble paniquée, son regard, affolé, flotte sur le paysage mais n'ose affronter mes yeux.  Ô clan des Étoiles, quelle torture que d'avoir inventé l'amour, tiraillée entre mes sentiments, ceux que j'aime, ceux qui sont à mes côtés et ceux qui ne le seront jamais. Que faire à présent ? Fuir, ma famille me manque, mon Clan me manquerait, je songe un instant au regard simple de ma fille, son pelage semblable au coucher du soleil sur la neige, ses rires cristallins ...

Un craquement brise mes pensées et me ramène violemment à la réalité, je ne peux partir, j'aime ce Clan, il fallait laisser le temps au temps et cacher sa détresse, ne l'avais-je pas toujours fait ? Lentement je baisse la tête, cette honte sur moi, que pense ma chef à présent ? Je ne suis qu'une traître, mon pelage pur est sali, je ne suis plus celle que j'aurais dû être.

-Je suis désolée Étoile de Plume, mais tu es la seule à connaître la vérité, je ne veux du mal à personne, ni au Clan, ni à mes enfants.

Mes yeux légèrement s'embuent, je sens des larmes perler, j'entends en ces lieux milles rires moqueurs et sinistres.  

Je crois qu'une petite discussion s'impose

La féline au pelage de suie semble réfléchir quelques instants, avant que dans ses yeux brillent une flamme autoritaire qu'elle ne prenait que lors de moments graves, d'une voix ferme elle me dit:

- Disons que le mal est fait, mais tu ne peux tout bonnement pas continuer ainsi Rêve de Lait. Je te rappelle que tu es lieutenante, que ton Clan ainsi que moi avons besoin de toi. Il te faudra faire un choix Rêve de Lait ! 

Je lève les yeux vers elle, je titube presque, coupable et victime à la fois, ma faiblesse de jadis me revient, amère et juste pourtant. Il me semble être retourner en enfance, quand je ne savais qui j'étais, j'avais trouvé ma voie puis Etoile d'Automne avait semé le trouble et l'amour dans ma vie, tout était si compliqué maintenant, chaque choix impliquait d'autres personnes que j'aimais, auquel je ne pouvais faire du mal.

Alors que ma chef dépouille un lapin, malheureuse proie de ses griffes, je lui réponds, d'un ton plus sûr:

-Que veux tu que je fasse ? Que j'abandonne mon Clan ? Ma famille ou Étoile d'Automne ? L'amour n'est pas une chose que l'on doit interdire, les lois doivent changer, Étoile de Rêve et Etoile des Enfers ont longtemps vécu une idylle parfaite, la paix est possible Étoile de Plume.

Dans un souffle je termine ma phrase:

-Je vais tout arranger car il le faut.

Je la salue d'un signe de tête, lieutenant face à son supérieur; et me retourne sur mes pas, il fallait que les choses se calment avant que je n'agisse ...